La crise de l'emploi provoque parfois des situations inattendues. C'est ainsi qu'à cause de l'impossibilité de recruter un chef de cuisine pour un centre de vacances d'adolescents, un organisme m'a recruté comme second de cuisine. Un métier dont il a fallu que j'apprenne en une demi journée les principaux points, essentiellement axés sur la sécurité sanitaire et les normes strictes à respecter. Quant aux compétences en cuisine ?... ça n'était pas un problème. Je n'ai eu qu'à exécuter les instructions de la cheffe de cuisine et rassembler toutes les forces insoupçonnées qui me restaient pour tenir 15 jours à réaliser deux services de 120 couverts et manipuler des dizaines de kilos de produits alimentaires ou de gamelles "poids lourd". 
L'occasion surtout, pour un photojournaliste d'observer et de comprendre l'univers de ces salariés de l'ombre qui, comme dans un paquebot, travaillent en soute transpirant de tout leur corps dans l'ignorance, voire le mépris, de la "clientèle".

Martin, Juliette, Valentine et Kim sont des employés de collectivités chargés de nombreuses tâches pour assurer la propreté et le service de restauration. L'équipe est complétée d'une lingère, d'une plongeuse, d'une cheffe de cuisine et de son second. C'est la directrice adjointe du centre qui est responsable de l'organisation du personnel, des menus et de l'économat. à part le personnel de cuisine, tous ces postes sont polyvalents afin d'assurer les tours de congés (1 par semaine). Ces salariés sont des vacataires qui ont des emplois divers ou sont retraités le reste de l'année. Ils sont payés ici au smic.

Régine, la cheffe de cuisine au travail avant l'arrivée du boulanger qui livre le pain tous les matins à 7:00

J'ai donné les consignes à la cheffe pour me prendre en photo à travers la condensation de la chambre froide où je préparais les 19 plats d'entrées et de desserts de chacun des repas. Température 11° finalement assez agréable quand celle de la cuisine frôlait les 40 ° lors du caniculaire mois d'août de 2023.

Le célèbre steak haché / frites requiert une efficacité redoutable en termes d'organisation en cuisine pour que les 120 steaks et les 22 kilos de frites arrivent à temps sur les tables. Surtout quand le second prend des photos en même temps !

La sauteuse dégage suffisamment de vapeur pour couvrir de buée les lunettes de la cuisinière.

Nettoyage complet et désinfection de tout l'espace cuisine.

La norme HACCP oblige au respect strict de règles sanitaires exigeantes qui sont très souvent contrôlées dans les centres d'hébergement d'enfants et d'adolescents. Toutes les infractions peuvent justifier des sanctions importantes pour l'organisateur. Elles sont donc respectées à la lettre.

Les petits messages laissés par des ados sur le tableau de service, donnent un peu de baume au coeur après les journées de travail sans réel contact avec les jeunes.

Plats de 6, plats de 9, plats de 12 ? Une répartition souvent mise à mal par les changements de dernière minute liés aux activités sportives (surf) à horaires variables. Cela n'empêche pas de se creuser la tête pour soigner la présentation même s'il faut rester une bonne heure à se geler à 11°.

La cuisine a fait son boulot, reste à servir... Un ballet de chariots et de personnels qui se croisent à toute vitesse pour que les plats arrivent chauds et entiers sur table.

Nicole, l'économe et Valentine à la distribution des tomates farcies filmées pour les protéger de la poussière pendant le transfert vers les tables extérieures. 

Juliette et Valentine mettent la table sous le feu du pistolet à eau de Kim. La faute à la canicule. Août 2023.

Soirée américaine avec burgers au menu. Valentine et Juliette au service.

Valentine à la désinfection des tables extérieures.

Dès la fin des entrées, le service de plonge entre en action. Il dure près de deux heures dans des conditions de chaleur et d'humidité assez pénibles. Il est assuré par deux personnes à chaque service.

Martin aux commandes du lave-vaisselle. Il faut aller vite mais les règles sanitaires interdisent l'essuyage. L'eau doit être assez chaude pour qu'à la sortie de l'étuve, la vaisselle sèche immédiatement et soit directement rangée.

Kim enlève le plus gros des aliments sous la douchette à pression, avant de passer le gastronorme  dit "gastro" dans la machine.

Florence, la plongeuse en titre en action devant le prochain bac de verres.

Florence, la plongeuse en pleine manipulation d'une machine bien trop grande pour elle.

La lingerie est également un service d'une grande importance pour des ados qui se changent plusieurs fois par jour. La lingère est seule à accomplir la tâche du lavage, du séchage, du pliage et du tri des habits. Pas question de traîner et de se tromper de programme de lavage. Les machines tournent sans arrêt pour un public devenu plus exigeant que par le passé.

Muriel est la responsable de la lingerie qui doit bichonner les trois machines de 5 kilos encore en fonctionnement

Muriel, au pliage de la lingerie d'une chambre de garçon.

Florence, la suppléante de Muriel lors des congés, a quitté sa plonge pour sortir les vêtements du sèche-linge

Florence aux prises avec le tri d'une panière de linge sale.

Le travail d'une journée : une dizaine de panières du linge des jeunes et toute la lingerie nécessaire au service de propreté, de cuisine et de plonge.

Les coupures sont l'occasion de renouer avec sa vie habituelle mais toujours bridées par les horaires de service. Le repos n'y est pas forcément d'actualité car les petits ou gros soucis ne sont pas restés à la porte du centre de vacances. Mais ces coupures restent un véritable bol d'air et souvent des moments de convivialité que l'on partage ou pas avec ses collègues.

La chambre, fournie par l'organisme est l'unité de base de la vie extérieure. Elle est souvent partagée avec un collègue et son confort est rudimentaire. 

Manque de mobilier, manque d'espace... Le quotidien des saisonniers dans tous les métiers du tourisme.

La lingère et la cheffe de cuisine s'offrent une "pause clope" juste après le service avant d'aller vaquer à leurs occupations personnelles.

Dans le couloir du bâtiment des "employés de Co", un sac et un pull témoignent d'un départ imminent en soirée.

Juliette, la propriétaire du pull et du sac sur son 31 pour aller en ville

Kim et Valentine ont troqué leur tenue de travail contre celle de ville. Direction le BiBam, le bar branché de Saint-Jean-de-Luz.

Coupure de l'après-midi. Personne n'a de voiture. Kim et Valentine accompagnées de Martin et Juliette prennent souvent le train pour Saint-Jean-de-Luz. Retour à 17:00

Martin, 20 ans, n'a pas l'intention de se laisser aller lors de cette parenthèse estivale. Il entretient son allure en levant de la fonte ou en faisant de la corde à sauter après son service, y compris le soir. Passionné de musique, sa playlist ne le quitte jamais. Le reste de l'année il étudie la gestion en alternance dans une entreprise d'ingénierie. 

Kim est graphiste. Elle travaille l'été pour compléter ses revenus intermittents. La coupure de l'après-midi est aussi l'occasion de s'occuper de son avenir et de chercher des opportunités de carrière dans sa spécialité.

Martin est également passionné de vêtements et musiques "vintages". Lors des coupures de l'après-midi, il aime s'habiller à la mode des années 30.

Martin, dans ses pensées en attendant que le sol de la plonge sèche...

Détente dans un resto de Bidart sous l'oeil amusé de Daniel, le directeur du centre de vacances.


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J'ai eu beaucoup de mal à sélectionner cette trentaine de photos parmi les 65 que compte le reportage. Il manque donc beaucoup d'éléments intéressants qui rassemblés, pourraient faire l'objet d'une exposition plus complète pour documenter le travail et les conditions de vie des employés de collectivités. Des saisonniers qui oeuvrent pendant quelques semaines ou quelques mois pour rendre un service difficile et ingrat à tous les vacanciers.
Merci à Régine, Nicole, Florence, Patrick, Kim, Valentine, Juliette et Martin mes "collègues" de travail qui ont accepté que je dégaine mon appareil pendant leur service. Pardon d'avoir parfois été "dans leurs pattes" aux mauvais moments. Et merci pour la confiance qu'il m'ont accordée et pour les belles rigolades pendant la demi-heure de repas du "perso".
Merci également à l'équipe de direction du centre de vacances de Guéthary emmenée par Daniel dont c'était le 20 eme anniversaire à la tête de cet équipement.
Alors est-ce que je lâcherais mon boitier pour devenir, une autre fois, second de cuisine ?
Je réfléchis ... Mais non ! ;-) 

Secrétariat de rédaction assurée par Gladys Lepasteur
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